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SPECTACLE

Entretien avec Gabriel Alvarez sur les Suppliants d’Elfriede Jelinek

Entretien avec Gabriel Alvarez sur les Suppliants d’Elfriede jelinek

Gabriel, tu dis qu'actuellement le théâtre à une place réduite dans l’espace public. Que veux-tu dire par là ?

Je crois qu’aujourd’hui, il n’y a plus de modèle politique ou citoyen pour justifier la place du théâtre dans la cité, comme on pouvait l’imaginer dans la Grèce antique.
Aujourd’hui l’activité théâtrale est un savant mélange entre le privé et le public, entre une activité culturelle privée, celle d’un spectateur qui se réalise dans un lieu public.
Le théâtre n'est plus un rite politique de la cité comme il a pu l’être, il ne représente plus une réalité politique déterminée de la cité. La fonction du théâtre comme représentation critique des processus sociaux tend à se dissoudre, à disparaître.
Pourtant, je crois qu’un certain théâtre peut encore susciter des formes artistiques qu’interroge une certaine réalité. Si c’est le cas, la parole théâtrale doit s’organiser comme une confrontation problématique des discours que cette réalité produit. Elle doit confronter des points de vue, bien existants entre les l’idées développés par l’auteur et celles, multiples et diverses, de chaque spectateur.

Comment choisis-tu alors les pièces ou auteurs afin de mettre en pratique cette pensée ?

Mes racines théâtrales sont ancrées dans les années 70 durant lesquelles le théâtre, comme narration d’une fable explose, où la déconstruction du sens se fait dans un geste de subversion, d’engagement.
Avec le temps, cet engagement a pris d'autres formes plus liées à la provocation. Certaines de ces formes ont débouché sur les formes performatives.
En ce qui me concerne je recherche à rencontrer des auteurs qui construisent leur point de vue, qui articulent leur écriture de manière à résister aux discours dominants qui veulent faire apparaître comme seules vérités ou réalités, celles de la société marchande. Je pense à Heiner Muller à Valere Novarina et, dans le cas présent, à Elfriede Jelinek.

C'est pour cette raison que tu as choisi Les suppliants de Jelinek ?

D’abord, j’aime dans l’écriture d’Elfriede Jelinek sa manière d’utiliser l’ironie comme un procédé de déconstruction des discours qui se croient définitifs, qui se présentent comme un langage qui permettrait de décrire, de manière correcte et juste, toutes les choses importantes. Ces discours "du bon sens" qui empêchent toute discussion peuvent être du domaine du langage traditionnel, scientifique, politique ou psychologique. Jelinek les démolit avec l’ironie, mais surtout elle déstabilise, ouvre et questionne.

Les Suppliants, c’est plutôt un poème dramatique qu’une pièce théâtrale. Ce texte m’intéresse non seulement pour sont contenu, la description du drame des flux migratoires quand ils arrivent dans les pays européens, mais aussi du point de vue de la mise en scène, car pour mettre en valeur toute sa signification je crois il faut faire naitre un écart entre ce qu’on entend et ce qui est donné à voir ou plutôt dans ce cas à imaginer.
Avec un texte pareil, nous nous éloignons de l’idée du théâtre du divertissement qui cherche à flatter, à provoquer une rêverie confortable dans le public, pour aller plutôt vers une proposition théâtrale qui cherche à produire ensemble une expérience qui nous fasse capter de manière différente la réalité des flux migratoires, les "nous" et les "vous", les conditions de l’accueil, la notion de l’hospitalité.

Si l'on te suit, avec un texte comme Les suppliants, la notion théâtrale de représentation est mise à mal ?

Oui, on peut affirmer que les dernières propositions dramaturgiques de Jelinek, et les Suppliants en fait partie, interrogent l’enjeu du théâtre en tant que représentation, sur ses limites et surtout nous oblige à établir une différence entre le concept de représentation et du spectacle. Dans le contexte actuel de notre société dominé par la prolifération des images, tout évènement devient un spectacle qui est attrapé dans d’immédiateté, dans l’imprévisible.
Par contre mon idée de la représentation théâtrale est qu’elle est une construction, une forme intelligible de l'événement.
Pour moi une représentation théâtrale doit nous renvoyer à une idée de l’expérience, à une manière d’organiser les données temporelles du vécu dans les formes d’un récit.
Mais dans Les Suppliants ce vécu nous dépasse, tant il est barbare, violent, incompressible.

Ce texte fait surgir la question suivante : l'art peut-il encore répondre à notre désir ou notre besoin d’expérience par la construction de représentations de la réalité ? Ou, en d’autres mots  : qu'est-ce qu'aujourd'hui le théâtre nous permet-il de partager ? Et comment ?

A t'entendre, on a l'impression d'être dans une impasse !

Oui, peut-être une impasse entre nostalgie et utopie. La nostalgie d’un fonctionnement théâtral qui n'existe plus, celui dont la vocation est de développer nos capacités créatives, qui défende l'idée que le théâtre est un lieu privilégié où est possible une "expérience-limite" entre acteur et spectateurs. Les modes de production théâtrales actuelles ont radicalement changé nos visions et nos pratiques.
L’utopie d'un théâtre qui, tel que je le comprends, doit permettre la construction, par l’imaginaire, d’une expérience partagée. Je crois que le théâtre est un art collectif tant dans sa pratique que dans sa réception.

Pour toi, cette notion de "communauté théâtrale", semble être une obsession. Pourquoi estelle
si importante ? Est-ce dans ce sens que cette création dépasse Les suppliants avec la
série d’évènements que tu as nommés Dead –Line ?

Je ne t'apprend rien quand je dis que la relation au public est un enjeu central d’une représentation théâtrale. Nous savons aussi que dans la représentation théâtrale, la mise en forme est indissociable de l’adresse, du regard qu’elle induit, de la manière dont elle situe les spectateurs en respectant la pluralité de leurs "sites". Donc, dans la mise en espace des
Suppliants je ne cherche pas l’unité du regard et de l’écoute, je ne cherche pas l’unité d’un public, mais la communauté d’une pluralité de sujets, de subjectivités confrontées à se faire leur propre point de vue.
Pour moi, il y a cette utopie qui est celle de penser que les gens qui vont au théâtre font un acte lié à la recherche d’une rencontre et d’une communauté.
D’une communauté qui n’est pas fondée sur l’assimilation à une identité ou incarnation, mais sur la liberté et la parole du spectateur, pour autant que la représentation théâtrale le met dans un dialogue avec lui-même qui requiert autrui.

Comment t'interroges-tu sur la fonction politique et sociale du théâtre aujourd’hui ?

Si c’est dans le sens qu’on attend du théâtre qu’il parle du monde, qu’il apporte sa contribution à l’échange de paroles par quoi une communauté s’efforce de constituer le réel en un monde commun, oui, le théâtre qui m’intéresse problématise tous les discours dans leur sens et leur vérité. Même les discours qui s’éprennent à la vulnérabilité du sujet, à la folie qui engendre le malheur, la tyrannie, l’injustice.
Mais … Il ne faudrait cependant pas trop s’illusionner sur la place actuelle du théâtre dans l’espace public. Nous sommes loin de l’espérance de produire une communauté de spectateurs vigilants, modèle des citoyens dans l’espace public
 

Propos recueillis par Marie Delpierre

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