SPECTACLE
Les 20 ans du Studio d'Action Théâtrale
Gabriel Alvarez fête 20 ans d’une expérience théâtrale sans concession.
LIONEL CHIUCH
Gabriel Alvarez. Depuis vingt ans, le metteur en scène met le théâtre au service d’une réalité qui lui est propre.
A ceux qui le qualifient de «styliste», Gabriel Alvarez oppose la foi inébranlable de l’artisan. Ce qu’il confectionne c’est ce qu’il affectionne, un théâtre qui s’extirpe du quotidien pour rendre une réalité
qui reste avant tout la sienne.
«Je ne fais pas de compromis là-dessus», admet le directeur du Galpon, qui fête
actuellement les 20 ans de son Studio d’action théâtrale (SAT).
«Trop souvent, il y a une concession faite au public pour qu’il puisse s’identifier, pour suit-il. Le réalisme psychologique ne m’intéresse pas. Si le public paye, il doit voir sur scène des gens faire quelque chose qu’il ne sait pas faire.»
En deux décennies, le credo pas varié. Seuls ont changé l’appellation et le lieu. Depuis dix ans, Gabriel Alvarez a élu domicile sur le site d’Artamis, au Galpon. «Quand j’ai vu les deux hangars désaffectés, je me suis dit que c’est ça dont j’avais besoin, se souvient-il. Au début, il y avait l’envie d’en faire un lieu de formation permanente. Mais c’était très utopique de vouloir créer une nouvelle école à Genève.»
Un rapport charnel.
Qu’importe: par ses volumes, le Galpon se prête à toutes les métamorphoses. Une aubaine pour Gabriel Alvarez qui aime subordonner l’espace à ses exigences. «Avec Quartett, par exemple, le public doit être dans une arène, commente-t-il. Donc, il y a 50 places et pas plus. Mais le théâtre n’a pas à entrer en concurrence avec les grands matches de foot ou le cinéma. Le théâtre, c’est l’intimité, c’est faire en sorte qu’il y ait un rapport charnel.» Outre Quartett, proposé dans le cadre de La Bâtie, J’étais Hamlet, Ophélie, Mao, Marx. Lénine, Lady Di... et les autres (d’après Hamlet Machine) et Le retour du Dieu Bonheur complètent un anniversaire placé sous le signe de Heiner Miiller. «D’un point de vue thématique, c’est l’occasion de fermer une boucle, précise le metteur en scène. Heiner Müller nous a accompagnés ces derniers temps. Ça m’intéresse, cette écriture très fragmentée». Surtout, l’auteur allemand offre un terreau idéal à celui que fascine «la dramaturgie de la parole». «Le défi, c’est la musique des mots ET les mots», relève Gabriel Alvarez. Lequel peut compter sur son équipe pour faire fructifier la poétique müllerienne. «La célébration des 20 ans du SAT, c’est une histoire d’amour avec les comédiens, constate-t-il. Des gens qui peuvent me supporter et je dois dire que je ne suis pas facile.» C’est là, dans cette confrontation complice, que le metteur en scène d’origine colombienne puise la substance de son art. «Pour moi, le processus de travail est aussi important que le produit, conclut-il. Bien sûr, je fais du théâtre pour le public: mais le public doit lui aussi faire un pas...»