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SPECTACLE

Ma traversée de 2020 au Galpon

Ma traversée de 2020 au Galpon
Les valises sont prêtes le 14 mars 2020, notre tournée est programmée ainsi : à 9h00, départ depuis Genève, ensuite Amsterdam, Panama et fin de parcours Medellín, Colombie. Une semaine après est prévue l’arrivée des membre de la compagnie du Studio d’Action Théâtrale, afin de commencer la traversée de « Tu n’obéiras point » d’après Antigone. Dix artistes, plusieurs spectacles, ateliers et échanges avec des groupes et des artistes colombiens dans des villes comme Medellín, Valledupar, Ríohacha, Santa Marta et Minca.  Mais rien de tout cela ne se réalisera, car en même temps un autre événement, peut-être le premier dans l’histoire de l’humanité, nous en empêche : le confinement d’environ quatre milliards de personnes qui ont été contraintes de rester chez elles et d’arrêter toutes leurs activités. Et par conséquent, pour nous, les artistes, d’arrêter une partie de nos activités créatives. 

Avec ces notes, je laisse libre cours à l’expression des souvenirs et sensations, des pensées fragmentées, dans un contexte marqué par l’incertitude et la des-in-formation en grande partie produites dans l’espace médiatique. Assez vite, je me rends compte que je n’appartiens pas à cet espace médiatique. Il m’est indifférent, ne me touche pas, ne me concerne que de loin, je me sens vivre à côté, même en parallèle des temps pandémiques et ses restrictions.
Une fois digérée l’annulation de notre tournée en Colombie, une semaine pour encaisser et accepter que tout le travail de préparation d’une année parte en fumée et une autre semaine administrative afin de sauver ce qui peut être sauvé, mes projets théâtraux redémarrent. Comment est-ce possible ? Je ne vois pas une autre réponse que celle qui peut se formuler ainsi : grâce au Galpon, grâce à un théâtre proche de la terre et de la matière où les souches des mots et des actions sont comme des animaux qui nous échappent. Des mots et des actions conformes à nos désirs, à nos besoins les plus intimes.

Quatre milliards de personnes qui, d’un jour à l’autre, se trouvent prisonnières, peut-être d’elles-mêmes, mais de toute façon enfermées chez elles… Et moi ? Je me retrouve dans un lieu, le Galpon, dans lequel je peux inventer, « m’évader », sortir de moi sans demander la permission à personne. Quel paradoxe, un lieu pour s’évader ! Et comme au théâtre, on ne peut pas sortir de soi sans une relation à l’autre, il faut donc des complices et cette fois, ce sont deux actrices, des collaboratrices, Clara Brancorsini et Justine Ruchat avec lesquelles j’ai monté deux spectacles pendant le semi-confinement : Graves Épouses/Animaux frivoles de Howard Barker, joué en juin, au moment de la réouverture des théâtres (le Galpon a été le premier théâtre genevois à ouvrir) et Cassandre Hallucinée de Justine Ruchat, joué à la fin septembre 2020.

De quoi ou d’où s’évade-t-on ? Sûrement de l’im-puissance, d’une réalité qui nous rappelle si bien notre fragilité. Elle nous enferme, nous aveugle, nous immobilise, avec comme unique argument palpable : la peur. Une réalité qui, dans l’espace médiatique, ne peut que s’exprimer par la comptabilité des morts... Quels morts ? On ne sait pas, anonymes, comme les naissances… Soudain la mort est partout, comme si elle était revenue de nulle part.
Je ressens cette situation et toutes les « informations », comme une justification, un effort pour nous réduire à l’impuissance, une opération afin de couvrir les vrais responsables de la crise sanitaire (le système néolibéral et ses dirigeants), mais surtout une opération de camouflage de nos modes de vie dans la société néolibérale. Pas un seul mot qui puisse nous conduire à une remise en question sur la manière dont nous conduisons nos vies, notre propre existence… Mais le Galpon, lui, est là, nous donnant la possibilité de continuer à exister, pas seulement de continuer à respirer ou retenir notre souffle afin de constater que nos poumons marchent. Non, il ne s’agit pas de cela. Il s’agit plutôt d’avoir la possibilité d’une pratique « merveilleuse » avec laquelle nous pouvons disloquer la réalité qui est en train de nous confiner ! Un acte théâtral qui nous libère de cette tristesse qui se distille en permanence nous rappelant notre mortalité… Et la barrière est franchie… on peut penser : c’est mieux de crever d’un petit courage que de peur !
Mais détrompez-vous, le métier, notre métier, fait dans un tel contexte, ne devient pas, ne se transforme pas en cuirasse… il n’est pas non plus un bastion, le retranchement d’une illusion de soi-même… Non, il est la réponse à une urgence, à un besoin personnel, individuel, celui de continuer à se sentir vivant, même au-delà de toute révolte, car après l’avant-dernier verre de vodka, après l’avant-dernière répétition, arrive la confirmation que cette existence-ci est unique ! Ce n’est pas la recherche du bonheur, ni le mien, ni celui des autres… Je pense plutôt à quelque chose d’absolu… qui m’échappe, mais que je sais pouvoir rattraper en suivant l’intuition que, pour y parvenir, il faut être consciemment à côté de cette réalité du confinement, du brouhaha d’une communication sans substance, et nulle meilleure arme que le théâtre pour parvenir à la contrer d’une manière symbolique.

Nous commençons les répétitions, nous sommes trois, ça suffit… La terrasse du Galpon s’est transformée en cour des miracles… Qu’adviendra-t-il ? Vaine question, nous ne pensons pas à la fin, peut être, inconsciemment, nous pensons au renversement de l’absolitude et c’est toujours comme ça que se passent les choses dans un lieu comme le Galpon : de paradoxe en paradoxe, de contradiction en contradiction… et le souffle retrouvé par l’unique présence reconnue : l’autre !

Le Galpon, comme toute mère nourricière, me parle. Il me dit : « Mon amour, je te considère comme les entrailles de moi-même, tu es le cœur sans lequel je ne peux pas vivre : celui-là même qui palpite dans vos poitrines… je veux que vos êtres soient en moi ! »… Et je vous fais l’économie du reste de ses déclarations enflammées… Oui, on sait que les jours ne se ressemblent pas et donc parfois c’est dur de s’abstraire de cette atmosphère anxiogène qui plane comme des drones sur nos têtes. Mais dans mon for intérieur, j’entends résonner une voix qui me dit : « Tu vois, le théâtre demeure la preuve que nous possédons le pouvoir d’être un autre et nous-mêmes. » Et cela me suffit pour continuer…

Mais pour finir, parlons de la folie.
Pendant l’été, je continue à travailler sur le projet d’octobre, un spectacle sur Les Bacchantes qui a comme sous-titre : Une nuit de Folie ordinaire. Une création conçue comme une mise en abîme : des acteurs.ices jouent des fous qui jouent les personnages des Bacchantes. Et je pense, au moment où j’écris ces lignes, que le sous-titre apparaît avec toute sa force prémonitoire… Sommes-nous, humains, devenus fous ? Notre orgueil et notre vanité arriveront-ils à étouffer la planète qui nous accueille ? Avons-nous perdu tout élan, tout souffle de vie organique, pour ne plus concevoir notre existence que parée de prothèses artificielles ? Et quand elles viennent à manquer, c’est la panique !

Arrivé à ce stade ne me viennent que ces mots d’Antonin Artaud dans le théâtre et la peste :
« Le théâtre, comme la peste, est une crise qui se dénoue par la mort ou par la guérison. Et la peste est un mal supérieur parce qu’elle est une crise complète après laquelle il ne reste rien que la mort ou qu’une extrême purification. De même, le théâtre est un mal parce qu’il est l’équilibre suprême qui ne s’acquiert pas sans destruction. Il invite l’esprit à un délire qui exalte ses énergies; et l’on peut voir pour finir que, du point de vue humain, l’action du théâtre, comme celle de la peste, est bienfaisante, car poussant les hommes à se voir tels qu’ils sont, elle fait tomber le masque, elle découvre le mensonge, la veulerie, la bassesse, la tartuferie; elle secoue l’inertie asphyxiante de la matière qui gagne jusqu’aux données les plus claires des sens; et révélant à des collectivités leur puissance sombre, leur force cachée, elle les invite à prendre, en face du destin, une attitude héroïque et supérieure qu’elle n’aurait jamais eue sans cela.»

Impossible pour nos gouvernants d’entendre ces mots. Ils seront incapables de prendre en mains le destin de nos collectivités. Alors prenons nous-mêmes, au moins, notre destin dans nos mains, tout en sachant que ce sera un combat sans répit. 

Gabriel Alvarez

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