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SPECTACLE

Mon travail sur et avec l’œuvre de Heiner Müller.

J’aime travailler en amont avec des outils et des matériaux hétéroclites, soit  des textes, des actions ou improvisations des acteurs, citations, matériaux iconographique et /ou des intuitions. Je crois que la composition d’un spectacle est déterminée plus par le processus du travail, que par une idée fixée en avance. Je n’hésite pas à reprendre, chaque fois que la situation le demande, d’enrichir le matériau de création avec les résidus de constructions et de déconstructions des spectacles, lectures et textes antérieurs.
Mon procédé avance donc par des mélanges bien dosés afin d’arriver à une structure solide tant du point de vue thématique qu’esthétique et poétique. 

Ma démarche rejoint la notion de «bricolage», cette sorte de technique de découpage et du montage dont  parle Claude Lévi-Strauss pour comparer la création mythique à l’activité de bricoleur. Dans La pensée sauvage, Claude Lévi-Strauss distingue deux activités de création, celle de l’ingénieur et celle du bricoleur.
L’ingénieur obtient les matières premières et les outils conçus pour réaliser son projet, tandis que le bricoleur s’arrange avec les «moyens du bord» pour produire des variantes mythiques.

« Gabriel Alvarez compose ses spectacles, réalise ses mises en scène en utilisant sans scrupules, ni contraintes tous les langages que l’art vivant met à sa disposition, visitant toujours cette idée de « l’art total », idéalisé dans les années 60.
Il montre comment il est encore possible de bouger, de se déplacer entre des langages et des formes artistiques diverses sans trahir ses propres idées poétiques et ses propres intentions narratives. Dans Marie Stuart les deux actrices sur scène passent de manière adroite de la parole au chant, du chant à la danse et de la danse au mouvement du corps et de la voix, toujours en étant dans cette zone franche où corps, la voix et parole coexistent.
Bruno De Franceschi

Un Travail artisanal.
Mon histoire avec Heiner Müller se construit à travers le défi que pose sa dramaturgie. Elle exige dans les répétitions avec les acteurs d’un système de travail et de jeu nouveaux, une manière d’aborder le langage, l’espace scénique et la relation au personnage complètement différente de l’habituelle.

La conception théâtrale de Heiner Müller qui affirme que l’homme de théâtre, plutôt que de chercher une inspiration, s’apparente à un artisan qui procède par montages, « recyclages » des « matériaux », me va comme un gant.

Dans Hamlet Machine, les acteurs travaillent  sur le recyclage… Ils récupèrent des mémoires, des matériaux, des images, des mots et les propositions du metteur en scène. Ils reprennent et détournent les idées. Dans cette histoire éclatée, les comédiens viennent exhiber des morceaux sans en épuiser l’usage.

Heiner Müller est considéré par le public comme un auteur difficile, même incompréhensible par sa densité et par l’ampleur des sujets qu’il traite en même temps. Je crois que c’est un à priori.  Müller est avant tout un poète, il construit ses pièces avec un langage imagé qui nous laisse lessivés, doucement vidés comme quand on se réveille d’un rêve intense. Les textes de Müller ne laissent pas d’espace à un théâtre psychologique.

Quand j’ai rencontré les textes de Müller, je traversais une période de questionnement sur le travail avec le texte et plus encore sur la façon dont les comédiens parlent sur une scène de théâtre.
J’ai senti que la forme traditionnelle de l’écriture théâtrale,  le dialogue, menait assez souvent le théâtre à une impasse, que le théâtre était seulement une illustrations tantôt d’un message, tantôt d’une fable ou dans le pire des cas d’une idéologie. Le théâtre proposé par Müller rompait avec cette tendance, rompait avec l’héritage de Brecht, l’illustration d’un message à faire passer, la fable au service d’une « communication » afin d’éclairer quelque chose !

Son écriture
Müller a une écriture physique, par diatribes et exaltations, en cassant tout le temps l’ordre et le repos de la logique du discours. C’est une écriture qui suit les impulsions sanguines plus qu’un raisonnement quelconque. Dans Quartett, les paroles et les corps sentent la bête qui habite dans l’autre, mais aussi en nous.
C’est ainsi que dans cette pièce nous nous sommes efforcés de transformer et utiliser le langage comme une arme. Que chaque mot soit un couteau planté dans la chair de l’autre et que chaque syllabe soit une morsure sur la superficie lisse de leur peau ! Le discours c’est l’arme et la cible le corps. La scène-arène et le texte sont alors en fusion.
« D'abord je le bouffe (le texte), et après je le comprends. Le plus important, c'est le souvenir. Et l'émotion est le seul moyen de retrouver la mémoire de la situation. En fait, je ne ressens pas l'émotion à l'instant où elle m'habite. Elle ne revient qu'au moment où je l'exprime par l'écriture. Alors je la porte en moi, et je peux en faire autre chose. Je peux l'incorporer à ma propre expérience. [...] Heiner Müller Allemand dites-vous (extrait) 1988

Il y a un élément par dessus les autres qui m’accroche dans la poétique de Müller : ses textes invitent au travail musical de la langue, du texte. Il considère qu’ils doivent être traités comme de la musique !
«  J’ai très rarement vécu au théâtre le fait qu’un de mes textes soit supportable parce qu’il est presque impossible d’obtenir d’un comédien qu’il traite un texte comme un matériau musical. C’est qu’il est, évidemment. Et ce alors seulement qu’il est recevable… »  Heiner Müller

Sa dramaturgie
La dramaturgie de Müller a son origine dans une conception de l’Histoire et la manière de la raconter.

Si pour Müller le théâtre a encore une raison d’être, c’est celle de rendre la réalité impossible, d’aller à l’encontre de la TV et du Cinéma, de recréer une réalité qui appartient complètement à la scène, créer une autre dimension, un autre espace, un autre temps et pour y arriver il faut se défaire de la fable : «  Je ne crois pas qu’une histoire qui a un début et une fin rend encore compte de la réalité ». Müller ne veut pas nous proposer un point de vue unique et uniforme. De là découle l’utilisation d’une dramaturgie fragmentée.

Le langage des pièces de Müller est une synthèse poétique qui dialogue avec les processus de l’Histoire, fragmentés, en accélération permanente. Ces événements nous les percevons et recevons devant nos postes de TV de manière morcelée, dépecée et nous pouvons zapper d’une guerre à une autre, d’un événement historique transcendant à une tragi-comédie banale et privée, et le tout dans une fraction de seconde confortablement assis dans le canapé de notre salon. Cela donne,  en quelque sorte, une dramaturgie du zapping !

Sans renoncer à son lyrisme, les textes de Müller vont du dialogue au monologue et de celui-ci à l’impossibilité de tout dialogue. Le langage est réduit en lambeaux. C’est une poétique où le langage est en rupture avec les modèles de la communication.

Dans cette poétique il n’y a pas la place pour des notions telles que le destin,  l’espoir, encore moins pour une quelconque psychologie. C’est une poétique sur le diagnostic des formes d’annihilation du patient. Elle n’a pas de sortie de secours devant les mandibules du pouvoir. Par exemple, dans  Quartett,  le langage de Müller est un langage de dissection de l’histoire des deux amants à travers son principal produit : le cadavre ! Le résultat de cette vivisection ? Le squelette des relations entre les sexes. L’amour désossé à outrance. Une leçon de physiologie de l’amour. Une autopsie du désir où l’humain est cerné, disséqué de manière froide, analytique,  afin de démêler le sexe, le pouvoir et la mort.
«Je crois au conflit. Sinon je ne crois en rien», dit Heiner Müller  à propos de la rédaction de ses pièces de théâtre, il parle de «réduire les choses jusqu’à leur squelette, de détacher et retirer leur chair et leur enveloppes ».

«  Le plaisir de la catastrophe devient chez Heiner Müller un mode d’écriture. L’auteur dramatique avoue la jouissance éprouvée à démonter ou à détruire, en particulier à déconstruire le drame. La plupart de ses textes de théâtre sont tous constitués d’un montage de scènes qui s’organisent selon des principes de composition précis, mais n’en mettent pas moins en pièces les catégories dramatiques traditionnelles » Florence Baillet : Heiner Müller 2003

Le traitement des personnages
Comme la dramaturgie de Müller qui est fragmentaire, « polyphonique », sa conception du personnage l’est aussi. Il n’y pas de premier et de second rôle. Müller, d’une certaine manière, réinvente la tragédie grecque en redonnant une place moderne au Chœur.

Il faut plonger dans la notion du jeu de l’acteur qui se dégage de l’oeuvre de Müller. Dans Quartett, pièce de théâtre sur le théâtre ou encore dans les commentaires de Anatomie Titus Fall of Rome,  qui sont une sorte de mise en abîme afin de rendre une certaine distance, ou comment je l’ai déjà noté, dans Hamlet Machine et Horace qui sont des partitions chorales. Hamlet-Machine est une pièce de l’abolition des différences, sur les rôles qui s’échangent, et sur le désordre du temps.

Monstres d'hier et d'aujourd'hui.
Depuis quelque temps, mes choix de textes sont conditionnés par le désir de mettre en relation des mythes, des métaphores et oeuvres littéraires avec la problématique du mal, du monstrueux au théâtre. Dans ce sens, nous avons travaillé sur des thématiques comme la voracité de notre société de consommation, la séduction, le pouvoir et la manipulation, l’ambition démesurée de l’homme pour contrôler et dominer la nature.

Les différents textes de Müller abordés par notre compagnie ont permis développer ces thématiques. Quartett, Anatomie Titus Falls of Rome, Hamlet Machine,  Horace   ou  Cœur en Pièces, sont toutes des pièces qui décortiquent notre humanité confrontée à une violence aux limites de la raison !
Je pourrais dire que les pièces de Müller nous confrontent à cette question : qu’est-ce qui fonde l’humain dans l’homme ?
Les pièces de Müller sont hautement politiques, car elles invitent à réfléchir sur ce qui est le principe perturbateur du vivre-ensemble, elles font réfléchir sur ce qui a la puissance de dissoudre les liens entre les hommes.
Müller n’est pas comme Brecht, un moraliste (pièces didactiques). Il est archéologue, anatomiste. Il ne prône pas de porter la violence sur scène afin de faire un acte didactique, pédagogique. Il ne croit pas à une pédagogie du théâtre.

« Quand j'écris sur un sujet, quel qu'il soit, je ne m'intéresse qu'à son squelette. Ce qui m'a intéressé avec Quartett, c'est de dégager la structure des relations entre les sexes, de les montrer telles qu'elles me semblent vraies, et de détruire les clichés, les refoulements. Même si je vis moi-même d'illusions dans ma vie sexuelle, je peux ne pas faire entrer ces illusions en ligne de compte quand j'écris. Mon impulsion fondamentale dans le travail est la destruction. Casser aux autres leur jouet. Je crois à la nécessité d'impulsions négatives. » Heiner Müller en « Je chie sur l'ordre du monde », entretien avec M. Matussek, 1982)

« Au fond, ce n'est rien de plus que ce que font les enfants avec les poupées. De temps en temps, l'enfant veut savoir ce qu'il y a dans la poupée. Pour cela il faut la casser, sinon on ne saura jamais ce qu'il y a dedans. La seule morale de l'art est en fait une pulsion anthropologique : vouloir savoir ce qu'il y a dans la poupée. »
"Heiner Müller dans La littérature va plus vite que la théorie, extrait 1983

Gabriel Alvarez (2006) 

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